Horaires décalés et journées discontinues : les conditions de travail des moins qualifiés
Travailler le soir ou le week-end rime souvent avec journées de travail discontinues et horaires imprévisibles. Les ouvriers et les employés les moins qualifiés subissent ces conditions de travail pénibles, qui ont des répercussions sur leur vie privée.
13 juillet 2022
https://www.inegalites.fr/horaires-atypiques - Reproduction interditePlus du tiers des salariés déclarent être concernés par des horaires atypiques, c’est-à-dire décalés dans la journée (le soir, la nuit, tôt le matin) ou le week-end, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined, données 2019) [1]. Une situation plus fréquente chez les salariés les moins qualifiés : plus de la moitié des femmes ouvrières non qualifiées et 60 % des hommes employés, qualifiés ou non, travaillent à contretemps du rythme de la société. Seuls 15 % des hommes cadres supérieurs sont dans ce cas.
Travailler en heures ou jours décalés par rapport au reste de la société n’est pas la seule contrainte de rythme de travail hors norme que subissent les catégories socioprofessionnelles les moins bien loties. Les employés non qualifiés, en particulier, cumulent d’autres contraintes liées au temps de travail, comme le fait de travailler en journées discontinues, c’est-à-dire avec des périodes de travail séparées par au moins trois heures de battement. Si 9 % des salariés en horaires atypiques déclarent en outre effectuer des journées de travail discontinues, contre 3 % des autres salariés, toujours selon l’Ined, 16 % des employés non qualifiés, quel que soit leur sexe, sont dans ce cas. Ces contraintes concernent aussi 11 % des ouvrières non qualifiées, soit deux fois plus que les ouvriers non qualifiés et que les femmes cadres supérieures.
À côté de journées de travail en pointillés, les salariés qui déclarent travailler selon des horaires atypiques disent aussi ne pas pouvoir prévoir leurs heures de travail à l’avance, c’est-à-dire qu’ils ne les connaissent pas un jour à l’avance, ou moins. 24 % des ouvriers qualifiés et 17 % des ouvrières qualifiées qui travaillent le soir ou le week-end ne savent ainsi pas quand ils devront retravailler d’un jour sur l’autre, ou même moins. Les professions intermédiaires sont les moins concernées par ce manque de visibilité, qui a des conséquences certaines sur la vie privée, mais aussi sur la santé des salariés.
Horaires atypiques, imprévisibles, et journées discontinues ont des répercussions concrètes sur l’organisation de la vie, les relations familiales, le fait de recevoir des amis, la possibilité de pratiquer des activités régulières. Massivement, ceux qui subissent cette situation sont les moins qualifiés. Les cadres ne sont pas épargnés, mais la flexibilité fait partie de leur fonction – qui est l’un des éléments qui légitime leur rémunération – et celle-ci est bien plus souvent choisie que chez les moins qualifiés.
Contraintes de temps de travail subies par les salariés en horaires atypiques Unité : % | |||
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Salariés en horaires atypiques | Dont soumis à des journées discontinues* | Dont soumis à des horaires imprévisibles** | |
Femmes | |||
Cadres supérieurs | 17,5 | 4,9 | 6,8 |
Professions intermédiaires | 29,2 | 4,5 | 4,4 |
Employées qualifiées | 26,9 | 1,6 | 6,9 |
Employées non qualifiées | 49,1 | 16,1 | 10,3 |
Ouvrières qualifiées | 51,5 | 6,2 | 17,2 |
Ouvrières non qualifiées | 55,0 | 11,2 | 12,4 |
Ensemble des femmes | 37,0 | 10,3 | 8,9 |
Hommes | |||
Cadres supérieurs | 14,8 | 7,8 | 15,5 |
Professions intermédiaires | 26,7 | 6,4 | 7,2 |
Employés qualifiés | 59,8 | 4,6 | 7,2 |
Employés non qualifiés | 60,4 | 16,6 | 10,0 |
Ouvriers qualifiés | 45,9 | 8,0 | 23,5 |
Ouvriers non qualifiés | 37,2 | 5,1 | 12,4 |
Ensemble des hommes | 35,0 | 8,1 | 14,8 |
Source : Ined d'après l'enquête Conditions de travail du ministère du Travail – Données 2019 – © Observatoire des inégalités
Photo / © Huy Phan
[1] « Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de plus en plus exposées », Population et Sociétés n° 599, Ined, avril 2022.
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