Questions clés

Quand doit-on parler d’inégalité ou de différence ?

Pour pouvoir parler d’inégalités, il faut pouvoir classer ce dont on parle. Sinon, il s’agit d’une différence. La question est essentielle, mais la frontière n’est pas facile à situer.

Publié le 16 novembre 2021

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Pour que l’on puisse parler d’inégalité (voir notre définition), il faut pouvoir classer ce dont on parle. Il faut qu’il existe un haut et un bas, un plus et un moins. Bref, une hiérarchie admise par la société. Si on ne peut pas trier, alors il s’agit d’une différence, non d’une inégalité. Pouvoir classer ou non est donc essentiel, mais l’affaire n’est pas toujours simple.

Prenons un exemple. Posséder un chien plutôt qu’un chat est une différence, non une inégalité. C’est purement une question de goût, on ne peut pas établir de classement entre ces deux animaux. Il y a bien des choses dans la vie que l’on ne peut pas classer : le fait d’avoir une voiture verte ou rouge ; préférer la viande cuite au barbecue à celle qui est mijotée, partir à la mer ou la montagne, etc.

Les classements n’ont jamais rien d’évident. Certains ont tendance à voir des inégalités partout, alors que la limite est souvent bien difficile à cerner. Est-il possible d’établir un classement entre jouer aux boules ou faire de l’équitation, entre aller à un concert de rock ou à l’opéra ? La question de la hiérarchie des pratiques culturelles est un bon exemple, le sujet est sensible.

Encore faut-il ne pas pousser le bouchon trop loin. Malgré tout, bien des choses dans la vie se classent sans difficulté. On dit que « l’argent ne fait pas le bonheur », mais rares sont ceux qui peuvent prétendre que vivre avec 1 000 euros pour une famille de quatre personnes est « mieux » qu’avec 3 000 euros. Qu’habiter à cinq dans 20 m2 est plus confortable que dans 100 m2, etc.

Il n’existe aucune règle pour décider de manière « objective » et définitive si on parle d’inégalité ou de différence. Ce sont des rapports sociaux – déterminés par le poids de chacun dans le débat public – qui vont trancher. Ceux qui profitent des inégalités auront tendance à tenter de les présenter comme de simples différences. Par exemple, on a longtemps expliqué que la nature des femmes les destinait à s’occuper de la maison et des enfants et qu’il ne s’agissait donc pas d’une inégalité avec les hommes, mais d’un choix de vie.

Au bout du compte, si l’on s’intéresse aux inégalités, il faut décrypter comment se construisent ou pas les hiérarchies et les classements, dans le débat public. Comment certains poussent à établir des échelles et d’autres, inversement, à les masquer. Un débat essentiel.


Ce texte est extrait de :

Comprendre les inégalités, Louis Maurin, éd. Observatoire des inégalités, juin 2018.
128 pages.
ISBN 978-2-9553059-4-2
9 € hors frais d’envoi

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Date de première rédaction le 16 novembre 2021.
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