Proposition

Pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes, il faut augmenter le smic

Mener une politique d’égalité salariale entre femmes et hommes passe par la revalorisation des bas salaires. Il faut augmenter le smic. Une proposition de Rachel Silvera, économiste, extraite du magazine Alternatives Économiques.

Publié le 8 mars 2021

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Depuis le 1er janvier 2021, le smic est fixé à 8,10 euros net de l’heure, soit 1 231 euros net par mois pour un temps plein. Il a été augmenté d’à peine 12 euros par mois, moins de 1 %. Les années se suivent et se ressemblent : le Groupe d’experts sur le smic [1] persiste à refuser toute revalorisation du salaire minimum supérieure à l’inflation. Pourtant, cette année se distingue des précédentes avec la crise de la Covid-19 : où sont passées les promesses du président de la République en ce qui concerne ces salariées et salariés de la première ligne, ces premiers et premières de corvée, dont l’utilité sociale a été plus que jamais démontrée ?

10,4 millions de personnes, soit 39 % des emplois, ont été « au front » pendant la crise de la Covid-19, selon France Stratégie, le centre de réflexion du Premier ministre [2]. Ce sont des métiers où les femmes sont majoritaires, dans le domaine sanitaire, social et de l’éducation (enseignantes, infirmières, aides-soignantes…) et dans certains métiers d’employés du secteur privé (caissières, agentes d’entretien…) ou de la sphère publique (employées administratives de la fonction publique). Ces métiers sont à la fois mal rémunérés, effectués dans des conditions difficiles (forte charge mentale et rythme de travail très contrôlé) et parfois avec des horaires irréguliers. Très souvent, il s’agit aussi de contrats précaires ou en temps partiel.

Au fond, on estime que ces métiers font appel à des compétences « naturelles pour les femmes » qui ne méritent pas d’être reconnues. On nie ainsi les qualifications, les technicités mises en œuvre, les responsabilités ou encore la pénibilité qui les caractérisent. Certes, le gouvernement a concédé une prime mensuelle aux personnels des hôpitaux et des maisons de retraite : infirmières, aides-soignantes, femmes de ménage, etc. Mais quid des intérimaires mobilisées pendant la première vague de la crise et des caissières et caissiers qui n’ont eu qu’une « prime Covid » ponctuelle, parfois de l’ordre de 80 euros ?

59 % des salariés concernés par une hausse du smic seraient des femmes, selon le ministère du Travail, alors qu’elles ne représentent que 44 % de l’ensemble des salariés du secteur privé [3]. 13 % des femmes sont rémunérées au smic, contre 5,5 % des hommes, alors qu’elles sont plus souvent diplômées, notamment les plus jeunes. Certes, 27 % des femmes occupent des postes considérés comme non qualifiés, contre 16 % des hommes, mais, même à emploi similaire, « la probabilité pour les femmes d’être rémunérées sur la base du smic est 1,7 fois supérieure à celle des hommes », précise le ministère. À cela s’ajoute le fait que 43 % des salariés rémunérés au smic travaillent à temps partiel, alors que cette forme d’emploi concerne 17,5 % de l’ensemble des salariés.

Entre le niveau du smic et les salaires d’un grand nombre de femmes, le lien est étroit. Augmenter les bas salaires et lutter contre la pauvreté des travailleurs les moins rémunérés en général, c’est réduire les écarts de salaire entre femmes et hommes. De la même façon : une politique d’égalité salariale entre les genres ne peut se limiter à assurer la présence d’une poignée de femmes au sommet de l’entreprise. Elle passe aussi par une revalorisation sonnante et trébuchante des métiers les moins rémunérés. Une hausse du smic est plus que nécessaire pour au moins rétablir a minima la situation des professions « indispensables » et, en même temps, contribuer à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Rachel Silvera
Économiste, maîtresse de conférences à l’université Paris-Nanterre et co-directrice du réseau Marché du travail et genre (MAGE). rachelsilvera.org
Article extrait du magazine Alternatives Économiques n° 409, février 2021.

Photo / © Giselle Flissak


[1Nommés par le gouvernement, ils sont chargés d’émettre des recommandations d’évolution du smic chaque année, NDLR.

[2« Les métiers au temps du corona », La note d’analyse n° 88, France Stratégie, avril 2020.

[3Voir « La revalorisation du smic au 1er janvier 2020. La proportion de bénéficiaires demeure élevée », Dares résultats n° 042, ministère du Travail, décembre 2020.

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Date de première rédaction le 8 mars 2021.
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