Analyse

Les conséquences inégales du confinement

Le confinement a-t-il augmenté ou réduit les inégalités entre classes sociales, entre les femmes et les hommes ? Selon que l’on s’intéresse aux questions d’éducation ou de vie familiale, les réponses doivent être nuancées.

Publié le 2 juin 2021

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Modes de vie Catégories sociales Femmes et hommes Origines Logement

Il faut distinguer l’impact à long terme du coronavirus des conséquences inégales du confinement. Le lien entre les deux est difficile à faire. Par exemple, certains élèves auront vécu la période de confinement dans des conditions plus difficiles que d’autres, ce qui se répercutera sur leurs apprentissages. « Quand ils sont scolarisés, 56 % des enfants vivant dans un ménage à dominante cadre peuvent travailler dans une pièce isolée, contre 40 % à 45 % des autres enfants », note l’Insee [1]. Il faut remettre le phénomène à sa juste place : seuls 4 % des collégiens et lycéens indiquent avoir manqué de place pour travailler chez eux, mais c’est le cas de 5 % des enfants de milieux défavorisés contre 2 % seulement des élèves issus de milieux très favorisés [2]. Quel sera l’impact à long terme de ces périodes hors de l’école selon les milieux sociaux ? La réponse est difficile à donner car la capacité de rattrapage des jeunes est grande.

Au-delà des élèves, les périodes de confinement auront été vécues très différemment selon les conditions de logement. Avec de grands écarts entre les villes et les campagnes, et selon les niveaux de vie des ménages. La surface du logement croît nettement avec le revenu, l’âge et le fait d’être propriétaire. Ce sont surtout les jeunes adultes avec enfant(s) qui ont été les plus pénalisés. En moyenne, note l’Ined [3], les cadres supérieurs disposent de 60 m2 par personne, contre 45 m2 pour les ouvriers et les employés. La part d’ouvriers non qualifiés qui vivent dans un logement suroccupé est de 20 %, deux fois plus que celle des cadres supérieurs. Celle des personnes d’origine étrangère hors Union européenne atteint 40 %, une part plus de quatre fois supérieure à celle des personnes nées Françaises de parents français.

Des effets positifs ?

Il faut tout de même noter que le confinement a entraîné quelques – rares – effets positifs qui ont réduit les inégalités. Une étude collective auprès de 16 000 personnes a montré que, globalement, le premier confinement a été une période pendant laquelle les contacts familiaux et amicaux se sont accrus [4]. Selon l’Ined, la part de parents qui estiment que les relations avec leurs enfants se sont améliorées est supérieure à celle qui pense qu’elles se sont dégradées, quelle que soit la catégorie sociale. C’est pour les ouvriers (20 % trouvent une amélioration contre 4 % qui perçoivent une dégradation) que le progrès aura été le plus net. « Le confinement, de ce point de vue, a pu contribuer à réajuster les emplois du temps individuels pour les familles populaires, dans lesquelles les actifs sont plus souvent concernés par le travail de nuit et les horaires atypiques », écrit l’Ined. Dit autrement, pendant quelques semaines du premier confinement, les cadences infernales ou le travail de nuit se sont interrompus. Pour une partie de ceux qui travaillent le plus dur, cela a été un soulagement et ils ont pu se retrouver en famille.

Pour celles et ceux qui ont travaillé à la maison (environ un salarié sur trois au printemps 2020), les conditions ont été très inégales. D’abord, selon les niveaux de vie : l’espace a manqué pour ceux qui vivent dans des logements étroits. La situation la plus critique est celle des territoires où le prix du logement est très élevé, notamment à Paris. À ce clivage, s’ajoute celui du genre : 39 % des hommes qui ont télétravaillé pendant le premier confinement disposaient d’une pièce à eux, contre 25 % seulement des femmes, selon l’Ined, notamment parce que les hommes d’âge actif vivent bien plus souvent seuls.

Qui s’occupe des enfants ?

Pendant le confinement du printemps 2020, les inégalités de répartition des tâches domestiques ont perduré. 43 % des mères de famille ont passé plus de six heures par jour à s’occuper de leurs enfants, contre 30 % des pères, selon l’Insee. Parmi les femmes qui ont continué à travailler à l’extérieur, 45 % ont cumulé chaque jour plus de quatre heures de travail et plus de quatre heures auprès des enfants, contre 29 % des hommes. Mais ces statistiques ne mesurent pas l’écart entre la situation de confinement et celle qui prévalait auparavant. Il est aussi possible qu’une partie des pères aient pris en charge certaines tâches qu’ils ne réalisaient pas auparavant.

Même si, comme le dit l’Ined, « en définitive, la pandémie n’a épargné aucune catégorie de la population », globalement, le confinement aura été bien plus compliqué pour ceux dont les conditions de vie – et de logement en particulier – sont les plus dures. L’institut alerte en particulier sur le sort des plus jeunes : « plus modestes et plus souvent mal logés que leurs aînés, les jeunes sont les premiers à subir les conséquences socio-économiques de la pandémie, ce dont la plus faible exposition au risque sanitaire de la Covid-19 ne rend pas compte  ». Mais les inégalités se cumulent : « au total, en impliquant des rapports de classe, de sexe et de génération, le logement durant la période de confinement révèle encore plus l’ampleur des inégalités au sein de la société française », conclut l’Ined. Ou, comme l’indiquent les conclusions d’une autre enquête sociologique, « les lois qui régissent le monde social ordinaire ont plutôt résisté, pour le meilleur ou pour le pire, à l’enfermement prolongé » [5].

Lire les autres articles de notre dossier sur les effets de la crise sanitaire sur les inégalités :

Ce dossier est extrait de notre Rapport sur les inégalités en France, édition 2021, qui vient de paraitre.


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Rapport sur les inégalités en France, édition 2021, sous la direction d’Anne Brunner et Louis Maurin, Observatoire des inégalités, juin 2021.
176 pages.
ISBN 978-2-9553059-9-7
10 € hors frais d’envoi.
Également disponible en version numérique à télécharger.
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Photo / CC by Manuel Peris Tirado


[1Les catégories utilisées ici sont larges. On peut facilement imaginer que le manque de place est bien plus important dans les familles les plus pauvres.

[2Les catégories utilisées ici sont larges. On peut facilement imaginer que le manque de place est bien plus important dans les familles les plus pauvres.

[3« Logement, travail, voisinage et conditions de vie : ce que le confinement a changé pour les Français », Note de synthèse n° 10, Ined, mai 2020. Voir aussi L’explosion des inégalités, classes, genre et générations face à la crise sanitaire, sous la direction d’Anne Lambert et Joannie Cayouette-Remblière, éditions de l’Aube, mars 2021.

[4Personne ne bouge, enquête sur le confinement du printemps 2020, sous la direction de Nicolas Mariot, Pierre Mercklé et Anton Perdoncin, UGA éditions, février 2021.

[5Personne ne bouge, enquête sur le confinement du printemps 2020, op cit.

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Date de première rédaction le 2 juin 2021.
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