Point de vue

Le président de la République veut réduire la pauvreté

Réduire d’un tiers la pauvreté en cinq ans, pourquoi pas ? Mais cela risque d’être difficile si l’Etat continue à utiliser toutes ses marges de manoeuvre au profit des plus aisés. Le point de vue de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 18 octobre 2007

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Le président de la République a annoncé - lors du 20e anniversaire de la journée internationale de lutte contre la misère - son intention de réduire la pauvreté d’un tiers en 5 ans. Pour cela, il compte essentiellement sur le revenu de solidarité active (RSA), mécanisme qui vise à « inciter » les plus démunis à reprendre un travail en complétant leurs revenus. Les effets du RSA demeurent très aléatoires : personne n’a mesuré le niveau de « désincitation » actuel des pauvres, et ce mécanisme - qui ne sera opérationnel qu’en 2009 - ne concerne que les actifs. Pour l’heure, rien n’a été annoncé pour les personnes âgées démunies notamment.

Le mérite de cette annonce est de fixer un objectif, alors que les gouvernements précédents ont laissé stagner la pauvreté depuis 10 ans. Un tiers en moins signifie diminuer le nombre de pauvres de 1,2 million suivant la définition la plus restrictive de la pauvreté [1] ou 2,3 millions suivant la définition la plus large [2], soit entre 250 000 et 470 000 pauvres de moins par an.

L’objectif risque pourtant d’être difficile à atteindre, pour deux raisons principales. La première est liée à la croissance, qui montre des signes de faiblesse. Ce sont les créations d’emploi qui pourraient contribuer à réduire la pauvreté. Si elles ne sont pas au rendez-vous, le RSA n’aura pas grand effet. La seconde résulte des politiques publiques : dès son arrivée, le premier acte du président de la République a été d’utiliser l’argent de l’Etat pour accroître le pouvoir d’achat des couches sociales les plus aisées. Si l’on ne prend pas en compte la mesure sur les heures supplémentaires, 9 milliards d’euros ont ainsi été dépensés l’été dernier en baisses d’impôts (droits de succession, bouclier fiscal ou autres). Il faut noter que fixer le RMI (1,2 million de titulaires) au-dessus du seuil de pauvreté aurait coûté entre 3,4 et 5,4 milliards d’euros suivant le seuil de pauvreté considéré. Le RSA, en phase expérimentale, se verra doté de 25 millions d’euros (soit 360 fois moins que les baisses d’impôts)...

Depuis 2000, les différents gouvernements qui se sont succédés ont gaspillé de la sorte des dizaines de milliards d’euros d’argent public en diminutions d’impôts, qui ont grossi l’épargne des couches favorisées, sans aucun effet sur la croissance et l’emploi. Employés autrement, de la santé à l’éducation en passant par le logement, ils auraient permis d’améliorer sensiblement la situation des plus démunis. Une nouvelle fois, le décalage entre les discours et les actes est considérable. Chacun semble s’en accommoder, en faisant mine de croire aux discours officiels. La question est de savoir jusqu’à quel point ce grand écart est soutenable.


[1Avec un seuil de pauvreté équivalent à 50 % du revenu médian.

[2Avec un seuil de 60 % du revenu médian.

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Date de première rédaction le 18 octobre 2007.
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