Questions clés

L’argent fait-il le bonheur ?

Plus on est riche, plus on est satisfait dans la vie. Jusqu’à un certain seuil de revenus. Au-delà, gagner plus n’apporte pas de satisfaction supplémentaire, selon l’Insee. 2 100 euros par mois serait-il le seuil du bonheur ? Une analyse de Louis Maurin.

Publié le 15 avril 2022

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Revenus Riches Niveaux de vie

L’argent fait-il le bonheur ? Le graphique ci-dessous, publié par l’Insee [1], présente l’évolution de la satisfaction dans la vie, en fonction du revenu. On demande à un échantillon de la population sa satisfaction dans la vie, mesurée par une échelle qui va de 0 (pas satisfait du tout) à 10 (très satisfait). Le résultat est intéressant. L’indice moyen pour les 5 % les plus pauvres (800 euros de revenu par mois) est de 6,43. Il grimpe progressivement jusqu’à 7,5 au niveau du tiers supérieur des revenus qui correspond à 2 100 euros par mois. La variation paraît assez faible : l’argent fait le bonheur mais ne le modifie pas du tout au tout. Au-delà de 2 100 euros, le degré de satisfaction n’augmente plus. Le 1 % le plus riche (au-dessus de 6 500 euros) n’affiche qu’une note de 7,6 de satisfaction.

À partir de 2 100 euros, gagner plus ne semble apporter guère de satisfaction supplémentaire. L’Insee en tire une analyse sur les effets de la croissance dans la société : « la croissance [économique, NDLR] ressentie est moindre lorsque les inégalités s’accroissent et lorsqu’une part importante de cette croissance profite aux plus hauts revenus ». Quand c’est le revenu des plus aisés qui progresse, ils ne s’en trouvent pas plus heureux : résultat, on ne gagne pas vraiment en bonheur. Ou l’inverse : si on veut accroître le bonheur dans une société, il faut d’abord élever le niveau de vie de ceux qui gagnent le moins. Tout cela peut expliquer une partie des tensions sociales actuelles : l’activité progresse, mais ce sont surtout les riches qui en profitent le plus. Au passage, ces données justifient l’imposition des catégories du haut de l’échelle : puisque leur revenu n’a pas une grande utilité pour eux, on peut leur prélever davantage.

N’allons pas trop loin dans ce raisonnement. La valeur de ce type d’étude doit être relativisée. On ne mesure pas le bonheur – l’Insee parle de « bien-être » – mais un degré global de satisfaction très vague qui peut être interprété de manière très différente en fonction de l’âge, du sexe, du milieu social. Une question différente, telle que « vivez-vous dans de bonnes conditions ? », aurait débouché sur d’autres réponses. Une hausse de revenu peut ne pas élever son bonheur personnel, mais permettre de mettre de l’argent de côté pour son avenir ou ses enfants.

Malgré tout, ces données ont le mérite de poser la question de la relation entre le niveau de vie et le bien-être. Elles montrent les limites de la notion matérielle de richesse : quid du lien humain, du cadre de vie, du sentiment de confiance, de sécurité, d’autonomie, etc. ? La richesse monétaire fait en partie le bonheur : sans argent, il est impossible de vivre dans des conditions décentes dans une société marchande. Mais l’argent ne fait pas tout.

Revenu mensuel en euros pour une personne. Lecture : les personnes dont le niveau de vie est inférieur à 794 euros par mois estiment leur satisfaction dans la vie à 6,43 en moyenne, sur une échelle de 0 à 10.

Source : Insee – Données 2017 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Photo / CC Harold Wijnholds


[1« Du PIB au PIB ressenti : en retrait sur le PIB, l’Europe dépasse désormais les États-Unis en bien-être monétaire », Insee Analyses n° 57, Insee, octobre 2020.

Date de première rédaction le 15 avril 2022.
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