Analyse

Ces quartiers où plus de la moitié de la population est pauvre

Près de 80 % de personnes pauvres dans le quartier Jean Perrin à Nîmes, 71 % dans celui du Mail Nord à Montpellier. Les données sur la pauvreté publiées par l’Insee révèlent la concentration d’une extrême pauvreté au sein des plus grandes villes de France. 257 quartiers sont concernés par ce phénomène. Une analyse de Valérie Schneider, extraite de la Gazette.fr.

Publié le 28 décembre 2017

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Revenus Pauvreté

De 70 % à 80 % de personnes pauvres dans certains quartiers en France métropolitaine : voici ce que révèlent les données de l’Insee (pour 2013, dernière année disponible), pour les communes de plus de 10 000 habitants. Ces chiffres étaient insoupçonnables jusque-là, cachés derrière des moyennes trompeuses [1].

Dans les quartiers [2] les plus pauvres, près de huit personnes sur dix vivent avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian, soit avec moins de 1 000 euros par mois et par personne. Le record est atteint dans le quartier « Jean Perrin » à Nîmes, où près de 80 % des habitants, soit 1 200 personnes, vivent sous ce seuil de pauvreté. D’autres quartiers de Nîmes figurent aussi parmi les plus pauvres : « Galilée » avec un taux de 74,4 %, « Soleil Levant » (71,6 %) ou encore « André Malraux » (68,9 %). Si on regroupe la population des neuf quartiers de Nîmes où le taux de pauvreté est supérieur à 50 %, ce sont près de 20 000 personnes (l’équivalent de la population de Cahors) qui vivent dans ces territoires aux bas revenus, où 67 % de la population est considérée comme pauvre.

La France compte un peu plus de 800 villes de 10 000 habitants et plus, mais « seulement » 105 sont concernées par ces quartiers où la pauvreté est concentrée. Les villes du Sud de la France sont nombreuses dans notre classement des quartiers les plus pauvres. Sept quartiers de Montpellier notamment y apparaissent. Dans cette ville, le taux de pauvreté oscille entre 53,8 % dans le quartier de « Blayac » et 70,8 % dans celui du « Mail Nord ». 20 400 personnes résident dans l’ensemble de ces quartiers de Montpellier. 60,6 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.

L’attrait des grandes villes

Ces données à un échelon territorial fin révèlent l’ampleur des taux de pauvreté dans une partie des grandes villes de France. « Les taux de pauvreté élevés dans les grandes villes principalement s’expliquent, d’une part, par leur attrait. Ce sont elles qui disposent des emplois, des logements, etc. Et, d’autre part, parce que les populations pauvres des villes environnantes plus petites « s’exportent » vers les grands centres urbains, faute de disposer des mêmes services et du même dynamisme économique sur leur lieu de résidence », analyse Hervé Guéry, directeur du bureau d’études Compas. Assemblés, ces quartiers constituent des poches de pauvreté avec une forte concentration de personnes aux revenus modestes.

Bien sûr, il faut se méfier de la caricature. Le seuil de pauvreté utilisé, 1 000 euros pour une personne, englobe des populations aux niveaux de pauvreté différents, mais surtout toute une partie de la France populaire, au standard de vie éloigné de ce que les médias ou la publicité véhiculent à longueur de journée, mais qui ne vit pas pour autant dans la misère. Ces quartiers ne sont pas des « ghettos urbains » à l’abandon.

Il n’empêche que la concentration de populations défavorisées apparaît ici au grand jour, avec des conséquences évidentes au niveau local sur l’école, la politique du logement, ou encore l’emploi. Comme l’indique Hervé Guéry, « ces quartiers au niveau exceptionnel de pauvreté appartiennent quasiment tous aux quartiers de la politique de la ville. On peut la critiquer, la réformer, mais cette dernière prend ici toute son importance en matière d’urgence de besoins sociaux, scolaires ou de logements dans ces territoires ».

En moyenne, la France est très loin d’être le pays où la pauvreté est la plus élevée. Ce qui n’empêche pas la concentration, dans un nombre limité de territoires – notamment parce que toutes les communes n’ont pas fait les mêmes efforts pour loger les plus démunis –, de très forts niveaux de pauvreté.

Précisions sur les données
Ces données portent sur les quartiers (appelés « Iris » par l’Insee) où vivent au minimum 1 000 personnes et qui se situent dans les villes de plus de 10 000 habitants. Nous avons sélectionné ceux dont plus de la moitié de la population est pauvre, soit 257 quartiers. Au total, ces données rassemblent 333 200 personnes pauvres, l’équivalent de la population de Nice. Dans les villes de moins de 10 000 habitants, l’Insee ne publie pas les données par quartier. On ne connaît pas non plus les taux de pauvreté pour les communes de moins de 2 000 ménages fiscaux. Il est donc possible que l’on retrouve des niveaux similaires de pauvreté dans de plus petits territoires.

D’autre part, dans son étude, l’Insee se base sur les ménages fiscaux, en excluant les personnes sans domicile ou vivant dans une institution comme une maison de retraite, un foyer ou encore une prison. Ces résultats ne dessinent donc pas une carte de la France très pauvre puisqu’ils excluent les personnes sans domicile ou âgées, catégories souvent les plus pauvres, mais aussi les territoires peu habités.

Article extrait de La Gazette.fr, paru le 15 septembre 2017.

Photo / CC By-NC-ND momotosaur


[1lire « Pauvreté : quelles sont les communes les plus touchées ? », Centre d’observation de la société, 16 mars 2017.

[2Il s’agit plus précisément des IRIS (Ilots regroupés pour l’information statistique - Insee) qui appartiennent aux communes de plus de 10 000 habitants. Ces IRIS regroupent eux-mêmes au minimum 1 000 personnes.

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Date de première rédaction le 28 décembre 2017.
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