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20 % des Français sont-ils victimes d’illectronisme ?

L’illectronisme concernerait 19 % des 15 ans et plus. Ce chiffre, le pendant de l’illettrisme pour les moyens de communication électroniques, mérite explication. Une analyse extraite du Centre d’observation de la société.

8 décembre 2020

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Éducation Modes de vie Âges Culture et loisirs Niveau d’études

Un cinquième des 15 ans et plus serait victime d’illectronisme selon les données 2017 de l’Insee [1]. L’illectronisme est le pendant de l’illettrisme dans le domaine du numérique : il désigne « l’incapacité, pour des raisons matérielles ou par manque de compétences, d’utiliser les ressources et moyens de communication électronique », explique l’Insee. Cela signifie que 11 millions de personnes seraient touchées par ce qui s’apparente à une forme de pauvreté en conditions de vie. 28 % de la population aurait de faibles compétences en numérique, 26 % maîtriseraient les compétences de base et 27 % aurait de bonnes compétences.

Lecture : 19,1 % des Français de 15 ans et plus n'ont aucune compétence numérique ou n'utilisent jamais Internet.

Source : Insee – Données 2017 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Le taux d’illectronisme des 15 ans et plus mérite des explications. L’Insee le détermine à partir de l’utilisation d’Internet ou de logiciels dans quatre grands domaines : la recherche d’informations, la communication en ligne, la résolution de problèmes informatiques et l’utilisation de logiciels. Il ne s’agit pas d’une enquête sur les compétences en tant que telles, mais sur l’usage des nouvelles technologies : c’est le fait de ne pas les utiliser qui détermine l’illectronisme. Par exemple, une personne qui ne s’est pas connectée à Internet au cours des trois derniers mois ou qui n’a pas utilisé de logiciels dans l’année est supposée ne pas les maîtriser.

Pratiques et compétences sont liées, mais ne sont pas toujours synonymes. Si l’on se sert des nouvelles technologies, c’est bien qu’on les maîtrise (même si on peut imaginer que certains ont été aidés), mais si l’on ne s’en sert pas, ce n’est pas toujours parce qu’on n’en a pas les capacités. Une partie des adultes – certes de plus en plus réduite – peut ne pas trouver d’utilité aux nouvelles technologies. C’est surtout le cas dans les générations les plus anciennes : les plus de 75 ans représentent tout de même 6,5 millions de personnes. Les données de l’Insee montrent d’abord que les inégalités augmentent fortement en fonction de l’âge : 71 % des plus de 75 ans sont touchés par l’illectronisme, mais on ne sait pas dire pour eux ce qui relève de l’incapacité ou du fait de ne pas vouloir utiliser ces technologies. On notera tout de même que 11 % des 45-59 ans sont concernés et plus du tiers des 60-74 ans.

Compétences numériques selon l'âge
Unité : %
Aucune compétence ou aucune utilisation d’Internet
Compétences faibles
Compétences de base
Bonnes compétences
15-29 ans2,116,027,454,5
30-44 ans4,429,231,634,8
45-59 ans11,037,629,621,8
60-74 ans34,933,422,09,7
75 ans ou plus71,219,66,82,4
Ensemble19,128,525,626,8
Lecture : 2,1 % des personnes âgées de 15 à 29 ans n'ont aucune compétence numérique ou n'utilisent pas Internet.
Source : Insee – Données 2017 – © Observatoire des inégalités

Un autre facteur joue : le diplôme. La moitié des personnes sans diplôme sont en situation d’illectronisme, 85 % ont au mieux de faibles compétences et moins de 5 % ont de bonnes compétences. À l’opposé, 3,3 % des bac + 3 sont concernés par l’illectronisme alors que plus de la moitié ont de bonnes compétences. Attention : n’oublions pas qu’en moyenne les générations anciennes sont aussi moins diplômées. Elles ont été confrontées aux nouvelles technologies bien plus tardivement dans leur vie. Pour vraiment comprendre l’impact du phénomène, il faut démêler l’effet de l’âge de celui du diplôme, et raisonner, comme le disent les statisticiens, « toutes choses égales par ailleurs ». Une étude de l’Insee [2] permet de le faire. Elle montre que l’âge joue un rôle massif : si on raisonne « toutes choses égales par ailleurs » [3], notamment à niveau de diplôme équivalent, le risque d’illectronisme est 8,8 fois plus grand pour les plus de 75 ans que pour la moyenne de la population. Mais le diplôme a aussi un impact propre : à âge équivalent, les non-diplômés ont un risque quatre fois plus grand d’être concernés.

Compétences numériques selon le diplôme
Unité : %
Aucune compétence ou aucune utilisation d’Internet
Compétences faibles
Compétences de base
Bonnes compétences
Aucun diplôme49,434,711,34,6
CAP, BEP ou BEPC1838,724,718,6
Bac ou équivalent5,124,133,537,3
Bac + 23,519,437,739,4
Bac + 3 ou plus3,310,631,654,5
Ensemble19,128,525,626,8

Source : Insee – Données 2017 – © Observatoire des inégalités

Le numérique est loin d’être accessible à tous. Même en restant extrêmement prudent et en divisant arbitrairement par deux les chiffres de l’Insee, on peut estimer qu’au moins cinq millions de personnes seraient concernées. Or, les nouvelles technologies de l’information prennent une part croissante dans la société, qu’il s’agisse de communication entre les personnes, d’accès à l’information, à la mobilité (réserver un simple billet de train) et de plus en plus dans les services publics. Ce qui est un énorme progrès pour certains peut se révéler une mise à l’écart pour d’autres. L’illectronisme est devenu une forme de pauvreté inquiétante, notamment chez les plus jeunes. Les 2 % des 15-29 ans touchés représentent tout de même plus de 200 000 jeunes adultes. Une situation choquante à l’heure où les médias, les entreprises et les pouvoirs publics font souvent comme s’il allait de soi que toute la population dispose de compétences numériques, alimentant ainsi un sentiment de rejet.

Extrait de « 20 % des Français victimes d’illectronisme ? », Centre d’observation de la société, 5 juin 2020.

Photo / © Fotolia


[1Voir L’économie et la société à l’ère du numérique. Édition 2019, coll. Insee Références, Insee, novembre 2019. Des données moins détaillées publiées pour l’année 2019 indiquent que ce chiffre se serait réduit à 16,5 %.

[2« Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base », Insee Première n° 1780, octobre 2019.

[3L’étude tient compte de l’âge, du sexe, du niveau de diplôme, du revenu, du type de ménage et de la localisation géographique.

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Date de première rédaction le 8 décembre 2020.
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