Analyse

18-24 ans : un peu plus de 400 000 jeunes concernés par un RSA-jeunes

L’instauration d’un revenu minimum pour les 18-24 ans concernerait environ 400 000 jeunes supplémentaires, selon nos estimations. Pour un coût d’environ quatre milliards d’euros. Les explications de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Publié le 11 mai 2021

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Revenus Âges Pauvreté

Dans un contexte de crise économique majeure, le débat politique est relancé autour de l’instauration d’un revenu minimum pour les jeunes, auquel n’ont pas droit, sauf exception, les moins de 25 ans. Avec une inconnue de taille, étrangement assez peu débattue : combien de jeunes seraient concernés ? Une étude récente de l’Insee permet d’en savoir un peu plus [1].

Au total, 5,5 millions de jeunes ont entre 18 et 24 ans. Parmi eux, la très grande majorité occupe un emploi, est en formation professionnelle ou étudie. Elle ne peut prétendre au RSA. Selon nos estimations, réalisées à partir des chiffres fournis par l’Insee, à cet âge environ 840 000 jeunes, 15 % du total, ne sont ni en emploi ni en formation et sont donc potentiellement concernés par un revenu minimum.

Parmi ces 840 000 jeunes, on compte d’abord 470 000 chômeurs. Une petite partie reçoit une allocation chômage. Malheureusement, il est impossible de savoir combien ils touchent exactement. Selon l’Insee, parmi les moins de 25 ans, 270 000 sont inscrits à Pôle emploi [2]. Une partie d’entre eux n’est pas indemnisée et ceux qui le sont touchent souvent une très faible somme. Toujours selon l’Insee, la moitié des jeunes chômeurs indemnisés reçoit moins de 450 euros mensuels (données 2018) et un quart moins de 220 euros.

Parmi les jeunes qui ne travaillent pas et sont sortis du système scolaire, on compte aussi 373 000 inactifs, dont 157 000 indiquent vouloir travailler [3]. Une grande partie de ces jeunes est découragée par les conditions actuelles du marché du travail. Ils vivent de quelques soutiens familiaux, de coups de main d’amis, d’aides exceptionnelles d’associations caritatives, etc. Ils forment le cœur de ceux qui pourraient prétendre au RSA.

Si l’on considère arbitrairement que la moitié des jeunes chômeurs ne touche rien ou presque – ce qui est sans doute sous-estimé – 230 000 chômeurs pourraient prétendre à un RSA-jeunes. En y ajoutant nos 370 000 inactifs, on aboutit à un total de 600 000 jeunes en difficulté, selon nos calculs. Mais 90 000 jeunes touchent déjà le RSA en raison d’une situation particulière (jeunes parents), et autant la « garantie jeunes », une prestation à durée déterminée pour les jeunes en grande difficulté. En les déduisant du total, il resterait quelque 420 000 jeunes qui, potentiellement, auraient besoin de ce RSA-jeunes.

Ce chiffre est un ordre de grandeur. D’un côté, certains jeunes en emploi très partiel ne gagnent presque rien et il faudrait les ajouter à notre décompte. La faiblesse des bourses de l’enseignement supérieur fait qu’une partie des étudiants dispose de revenus inférieurs au RSA, elles doivent aussi être augmentées. De l’autre, il est vrai que parmi les jeunes que nous comptons, certains vivent en couple ou en famille dans des milieux aisés. Ils n’ont guère besoin d’un minimum social. Enfin, le gouvernement a annoncé que la « garantie jeunes » devait être étendue à 110 000 jeunes supplémentaires : un quart de notre total est donc en réalité déjà financé.

Combien le RSA-jeunes coûterait-il ?

Selon nos estimations, allouer 500 euros par mois à 420 000 jeunes coûterait 2,5 milliards d’euros par an à l’État. Il faut y ajouter le coût de l’accompagnement des jeunes et la revalorisation indispensable des bourses d’enseignement supérieur. Dans une étude publiée par France Stratégie [4], avec des critères plus généreux, les auteurs arrivent à un coût total de 6,8 milliards, mais jugent leur évaluation surestimée. Au total, c’est probablement autour de quatre milliards d’euros annuels que se situe le coût de ce minimum social.

Sauf à vouloir proposer un revenu pour tous les jeunes, ce qui reviendrait à financer collectivement les études des enfants de familles aisées, proposer un revenu minimum aux jeunes sans ressources est largement à la portée de la France. Cette mesure serait beaucoup moins coûteuse, par exemple, que la suppression de la taxe d’habitation (une perte de 20 milliards par an pour les finances publiques). Elle est du niveau des réductions d’impôt sur le revenu pour l’emploi de personnel à domicile dont profitent majoritairement les familles aisées, chiffrées à 3,8 milliards pour 2021 [5], pour une utilité sociale et un impact économique (le RSA est intégralement réinjecté sous forme de dépenses) beaucoup moins importants. La France est bien face à un choix politique et les jeunes de milieu populaire font les frais de postures idéologiques [6] qui conduisent au statu quo depuis 30 ans.

Louis Maurin

* déclarent ne pas souhaiter travailler (pour s’occuper d’enfants, pour des raisons de santé, etc).
Lecture : 840 724 jeunes âgés de 18 à 24 ans ne travaillent pas et n'étudient pas. Parmi eux, 468 125 sont au chômage.

Source : Insee – Données 2019 – © Observatoire des inégalités

Graphique Données

Photo / © Higwaystarz-Photography


[1« Les jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation : jusqu’à 21 ans, moins nombreux parmi les femmes que parmi les hommes », Insee Focus n° 229, Insee, mars 2021.

[2« Les chômeurs au sens du BIT et les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi », in Emploi, chômage, revenus du travail, Insee Références, Insee, février 2019.

[3Les autres déclarent ne pas souhaiter travailler (pour s’occuper d’enfants, pour des raisons de santé, etc).

[4« Vers un revenu de base pour les jeunes de 18 à 24 ans ? », in Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, compléments au rapport 2021, France Stratégie, mars 2021.

[5Évaluations des voies et moyens. Tome II, les dépenses fiscales, Annexe au projet de loi de finances pour 2021, ministère du Budget, 2020.

[6« Revenu minimum pour les jeunes : les raisons d’un refus », Louis Maurin, www.inegalites.fr, 27 octobre 2020.

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Date de première rédaction le 11 mai 2021.
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